5. Ressemblances et différences entre oral et écrit
Réfléchissons sur la façon dont la locutrice peut coder des idées en langage oral, puis écrit. Ensuite, nous réfléchirons à la façon dont son interlocuteur peut les décoder. Enfin, nous ferons une comparaison entre les deux codes, oral et écrit.5.1 Codage des pensées en texte oral, puis, écrit
Partons d’une simple aventure arrivée à Lucie un dimanche matin.
5.1.1 L’histoire
La jeune Lucie s’est réveillée à six heures du matin pour aller à l’école.
Avant de se lever, elle a réfléchi un instant et s’est rappelé qu’on était dimanche.
Alors, elle s’est rendormie.
Ceci correspond à :
[la-ʒœn-ly-si/sɛ-re-ve-je-a-si-zœʁ-dy-ma-tɛ̃-pu-ʁa-le-a-le-kɔl //] [a-vɑ̃-də-sə-le-ve /ɛ-la-ʁe-fle-ʃi-œ̃-nɛ̃s-tɑ̃ /e-se-ʁa-pə-le-kõ-ne-tɛ-di-mɑ̃ʃ //] [a-lɔʁ / ɛl-sɛ-ʁɑ̃-dɔʁ-mi // ]
Dessin de gauche : Roger Meunier (1936)
Quels sont les éléments importants ?
5.1.2 Le codage en texte oral
Une fois que les idées sont claires, il faut passer à l’oral. Quand Lucie formule ses idées dans sa tête, elle le fait dans la langue parlée en utilisant la grammaire intuitive qu’elle a ap-prise, avant d’être scolarisée, au contact avec son entourage familial, enrichie par le temps de la grammaire cognitive dont elle a pu apprendre les règles à l’école.
Elle raconte ce qui lui est arrivé à la troisième personne du singulier. Cela donne :
Notons qu’elle emploie les verbes au passé composé (sauf avant de + infinitif). Elle a bien conjugué le verbe réfléchir avec l’auxiliaire avoir, et les verbes pronominaux (se réveiller, se rappeler, se rendormir) avec l’auxiliaire être. Enfin, elle a bien employé l’imparfait pour avoir, puisqu’on avait déjà commencé à être dimanche, et que, à 6 h du matin, on l’était encore (simultanéité au contact = imparfait). En revanche, on ne sait pas si elle aurait bien accordé les participes car l’accord ne s’entend pas pour les verbes employés.
Étudions la répartition en syllabes pour voir les cas les plus intéressants :
Voyons aussi la répartition en mots phoniques :
5.1.3 Le codage en texte écrit
On aura remarqué que, dans la version écrite, les conjugaisons sont les bonnes, que les accords entre sujets et verbes (personne / nombre) ou participes passés sont tous cor-rects, et que les déterminants, les adjectifs et les noms ont le même accord.
On aura sans doute remarqué égalementgque la grammaire de l’écrit était plus difficile et plus exi-geante que celle de l’oral. Cependant, l’oral comme l’écrit ont une structure semblable quant à la répartition des mo-nèmes et lexèmes ainsi que celle des mots phoniques.
5.1.4 Décodage des textes oraux en pensées
Lorsque l’on entend un texte oral, on suit la démarche suivante :
On découpe le texte en mots phoniques. Pour cela, on repère les syllabes qui ont un ac-cent tonique et on suit l’organigramme suivant :
Une fois que l’on a les mots phoniques, on décode les syllabes et on reconstitue les mo-nèmes et morphèmes.
A partir de l’oral, on reconstitue l’écrit. On ajoute les conjugaisons et les accords.
5.2 Caractéristiques de l’oral et de l’écrit
Comme nous venons de le constater, la langue orale est celle que manipule notre cerveau, et qui lui permet de formuler, d’expliciter les idées qui naissent dans ce cerveau.
Voyons comment cela fonctionne :
Voici une image contenant :
Nous allons étudier comment l’on passe de la représentation du chat mangeant des cro-quettes au texte oral :
[lə-ʃa / mɑ̃ʒ-le-kʁɔ-kɛt//]Pour dire que le chat mange les croquettes, il faut appliquer les règles de la syntaxe qui organisent les unités linguistiques.
5.2.1 Découpage en mots phoniques.
La phrase doit être présentée sous la forme de deux mots phoniques :
Un groupe nominal sujet, et un groupe verbal contenant le verbe principal et ses complé-ments. Comme le verbe manger a la valence qc (quelque chose), on aura donc, outre le verbe, un groupe nominal COD contenant le qc.
Cette syntaxe est représentée sur l’image par un arbre syntaxique.
On remarquera que le nom [ʃa] ⇿ {chat}, qui est masculin singulier, devra être précédé d’un déterminant assorti. Le [ʃa] étant un signifié précis et seul, de genre masculin, on emploiera un article défini, masculin, singulier : [lə] ⇿ {le}.
On remarquera que le nom [kʁɔkɛt], qui est pluriel, devra être précédé d’un déterminant assorti. Les [kʁɔkɛt] étant un signifié précis et pluriel, on emploiera un article défini, pluriel :
[le] ⇿ {les}.5.2.2 Vocabulaire
Le vocabulaire se compose de plusieurs sortes de signifiants (5 lexèmes=3 monèmes et 2 morphèmes) :
5.2.3 Syntaxe
La syntaxe orale diffère quelque peu de son homologue écrite.
5.2.3.1 Oral
La syntaxe, comme nous l’avons vu ci-dessus, règle la structure de la phrase, assignant à chaque lexème (monème, verbe ou morphème) une place selon sa nature et sa fonction.
En outre, elle veille à assurer les accords. Ici, le choix des déterminants dépend des carac-téristiques des noms auxquels il se rapportent.
Le verbe est mis au temps correspondant (ici, le présent de l’indicatif), et il est conjugué selon le mode (ici, indicatif), le temps (ici, présent) la personne et le nombre (3e personne du singulier) du sujet.
Enfin, les croquettes étant plusieurs, elle mettrait le nom [kʁɔkɛt] au pluriel, sauf que l’on n’entend pas le {s} que l’on retrouve à l’écrit. Cela aurait été le cas si l’on avait ajouté un mot commençant par une voyelle, qui nous aurait obligés à faire une liaison :
{Les croquettes aimées} [le-kʁɔ-kɛt-zɛ-me].
5.2.3.2 Écrit
L’écrit se construit selon la même structure que l’oral. Mais ce n’est plus l’intonation qui permet de reconnaître la fin d’un mot phonique, mais la ponctuation.[a-lɔʁ / ɛl-sɛ-ʁɑ̃-dɔʁ-mi // ]
Alors, elle s’est rendormie.La virgule montre la fin du premier mot phonique, le point montre la fin de la phrase.
La grande différence se situe au niveau des accords et des conjugaisons.
Le livre Introduction à la Phonétique corrective du FLE vient de sortir. il contient le texte complet de la grammaire de ce site et les activités et exercices pour les apprenants.
++ © Christian Meunier ++